Le Théâtre 13 débute cette nouvelle saison théâtrale avec une mise en scène de « Yerma » texte emblématique du triptyque de Federico Garcia Lorca. Servi avec maestria par son actrice principale, Daniel San Pedro livre ici un drame du quotidien qui questionne le statut de la femme dans le monde rural et le poids des conventions.

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Yerma et Jean sont mariés depuis deux ans mais aucun enfant ne vient égayer cette union en apparence paisible. Alors que Jean s’enferme sans relâche dans le travail de la terre, Yerma est victime des ragots qui l’isolent et l’éloignent peu à peu de son mari. Ils deviennent inévitablement deux étrangers l’un pour l’autre, chacun ressassant avec amertume ses regrets.

Par le biais d’une mise en scène épurée Daniel San Pedro installe la tragédie de Yerma dans une langueur pesante, une lenteur délibérée qui traduit parfaitement l’attente de cette femme asséchée d’avoir mis trop d’espoir dans la vie. Son désir obsessionnel d’enfant n’est que la traduction d’un mal-être plus profond lié à son manque de liberté croissant. Pourtant il ne tiendrait qu’à elle de se délivrer du poids des conventions sociales et de quitter cet homme qu’elle n’aime pas, mais l’honneur guide cette femme rugueuse et entière. A l’instar de Garcia Lorca frustré de devoir vivre son homosexualité dans la clandestinité, Yerma est engoncée, enserrée dans un carcan qui l’empêche d’être totalement libre d’agir et de penser. Il s’agit donc d’une pièce très personnelle pour l’auteur et Daniel San Pedro lui rend un bel hommage empreint de poésie.
La scénographie renvoie parfaitement à cet univers pessimiste avec un plateau sombre, seule l’image sublime d’une lande sous le temps qui passe projetée sur le plateau entre les scènes amènera de la couleur dans ce monde gris acier, un peu de la beauté fantasmée d’une vie meilleure. Par cette simple image récurrente Daniel San Pedro contredit habilement le propos quotidien du sujet et place la pièce dans une atmosphère plus poétique. Exit le folklore espagnol, le spectateur est propulsé dans un drame rural d’ici et d’aujourd’hui. Dans cette campagne, celle qui existe encore de nos jours, la solitude des femmes ne choque pas, leur place est finalement obsolète, accessoire. Les douleurs, les aigreurs et les espoirs déchus sont chuchotés dans ces paysages désertiques où l’homme accorde plus de soin à ces bêtes qu’à sa compagne. Daniel San Pedro parvient ainsi à moderniser ce texte écrit en 1934 et à en libérer les enjeux sociaux, enjeux on ne peut plus contemporains. Mais la pièce ne serait rien sans son actrice, Audrey Bonnet campe avec brio ce personnage complexe, elle porte avec sensibilité et force ce drame de femme mal-aimée. Amateurs de Garci Lorca cette adaptation vous séduira sans aucun doute !

Audrey Jean

« Yerma » de Federico Garcia Lorca
Mise en scène de Daniel San Pedro

Avec Aymeline Alix, Audrey Bonnet, Christine Brücher, Yaël Elhadad, Stéphane Facco, Juliette Léger, Daniel San Pedro et Claire Wauthion

Jusqu’au 5 Octobre
Mardi, jeudi et samedi à 19H30
Mercredi et vendredi à 20H30
Dimanche à 15H30

Théâtre 13 Seine
30 rue du Chevaleret
75013 Paris

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