Le Théâtre du Petit St Martin nous gratifie d’une reprise du remarquable « Réparer les vivants », un seul-en-scène adapté, mis en scène et interprété par Emmanuel Noblet. Un spectacle exigeant et sublime, porté par la performance sobre et sensible du comédien, une adaptation fidèle au style nerveux et à la langue électrisante du roman à succès de Maylis de Kerangal. Une réussite en tous points à découvrir d’urgence au Petit St Martin.

Vingt-quatre heures de la vie d’un coeur. Un coeur jeune et fougueux, plein de vie, fauché injustement dans sa dix-neuvième année. Simon Limbres en est le propriétaire, le garant de ce coeur, victime d’un accident de voiture après une sortie matinale de surf entre amis, il ne se réveillera plus tout seul. Sans les machines qui maintiennent ses organes en vie, son corps serait déjà froid. Ailleurs, dans un autre espace-temps, une autre émotion, une femme attend désespérément un coeur, un coeur qui l’aide à ébaucher les gestes les plus simples sans souffrance, sans avoir l’impression que le souffle manque si cruellement. Commence alors un ballet orchestré avec précision, une danse où chacun a un rôle à jouer pour entourer de bienveillance cette opération si délicate, pour doucement, « enterrer les morts et réparer les vivants ».

« Réparer les vivants » a bénéficié d’un succès phénoménal, et a été depuis sa parution plusieurs fois adapté au théâtre ou au cinéma, la version d’Emmanuel Noblet est cependant la première et indéniablement particulièrement respectueuse du verbe de Maylis de Kerangal. L’histoire de cette greffe est en effet placée sous un prisme kaleïdoscopique, tous les acteurs de la transplantation prenant la parole à tour de rôle, assemblant méthodiquement les pièces d’un puzzle trépidant. Le texte de Maylis de Kerangal résonne d’une musique spéciale, d’un rythme haletant qui imprègne d’autant plus que la performance d’Emmanuel Noblet est d’une finesse remarquable. Il interprète quasiment tous les personnages de cette intrigue bouleversante avec une simplicité désarmante, prenant soin de faire palpiter chaque mot, de faire osciller chaque courbe de sentiments avec l’intelligence d’un très grand. Les amateurs du roman retrouveront donc avec émotion tout ce qui fait le sel de ce texte, sublimé ici par une mise en scène au cordeau et une esthétique épurée. Cependant Emmanuel Noblet n’en oublie pas d’ancrer le spectacle dans le réel, prenant directement à parti le spectateur, il met en effet en perspective l’histoire romancée bouleversante de Simon Limbres avec des statistiques, des informations cliniques pour bien comprendre la complexité des réactions face à la thématique des greffes d’organes. Chacun peut ainsi se projeter totalement au coeur de la trajectoire de l’un ou l’autre des protagonistes, nos émotions de spectateurs ne seront alors pas feintes mais bien viscérales, organiques, charnelles. Un spectacle qui touche au coeur, indéniablement mais qui questionne aussi profondément notre humanité.

Audrey Jean

« Réparer les vivants » D’après le roman de Maylis de Kerangal
Adaptation, interprétation et mise en scène  Emmanuel Noblet

Avec la collaboration de Benjamin Guillard
Avec les voix de  Constance Dollé, Stéphane Facco, Vincent Garanger, Benjamin Guillard, Maylis de Kerangal, Évelyne Pelerin, Alix Poisson, Anthony Poupard, Olivier Saladin, Hélène Viviès

Théâtre du Petit St Martin 
Du mardi au samedi à 21H
Le dimanche à 16H

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