Le groupe M.I.A.O.U s’empare avec insolence d’un sujet délicat et cruellement d’actualité, le mécanisme de la radicalisation. «Poignard» du brésilien Roberto Alvim est actuellement programmé au Théâtre de Belleville jusqu’au 14 Février dans une mise en scène d’Alexis Lameda-Waksmann. Une nouvelle occasion de découvrir une équipe de jeunes créateurs prometteurs !

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« Peut-on faire la révolution pour les autres ? »

C’est une génération perdue. C’est un monde embourbé dans un consumérisme stérile. C’est notre société en somme, et Roberto Alvim la dépeint parfaitement en ayant à peine besoin de teinter son intrigue d’un supplément de cynisme et de noirceur. Tout y est réel, des starlettes bling-bling fabriquées de toutes pièces, des groupies qui leur ressemblent, des jeunes tellement paumés qu’ils ne jurent que par la destruction massive, des puissants enfin qui observent et manipulent tout ces petits pions décérébrés. L’idéalisme, l’humanisme, la capacité de s’émerveiller, de s’émouvoir sont autant de vieux concepts ineptes pour ces jeunes embrigadés. Il ne reste que le cynisme, la violence, la paranoïa. Autopsie froide d’un chaos en gestation.

Le jeune metteur en scène Alexis Lameda-Waksmann fait preuve de beaucoup de discernement face à ce texte coup de poing. Il alterne avec justesse des scènes d’une sobriété glaciale et des explosions de démesure sonores, comme pour mieux souligner les béances inégalitaires entre deux mondes qui se touchent sans se mélanger, ces failles profondes et insurmontables d’où jaillissent nos monstres. La dramaturgie éclatée propulse le spectateur dans le cœur haletant d’un théâtre immersif, provocant, qui pousse à la réflexion sur notre propre démission au monde. Dans un tension permanente les fragments s’assemblent peu à peu pour reconstituer le cheminement de la terreur, le mécanisme de la violence. Seules réserves pour cette création de belle facture, quelques longueurs de texte qui ralentissent par endroits le crescendo et la distribution quelque peu inégale au sein de cette équipe nombreuse. On discernera cependant les prestations de Benjamin Tholozan, Julien Urrutia et Célia Catalifo particulièrement troublante.

Audrey Jean

« Poignard » de Roberto Alvim
Mise en scène Alexis Lameda-Waksmann

Avec Célia Catalifo, Adrien Gamba-Gontard, Majid Chikh-Miloud, Rachel André, Guillaume Perez, Benjamin Tholozan, Claire Lemaire, Julien Urrutia et Eugène Durif

Jusqu’au 14 Février
Du mercredi au samedi à 21H15
Dimanche à 20H30

Théâtre de Belleville

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