Véritables bombes à retardement, Myrtille Bordier et Tom Politano s’associent sur un ring jaune fluo au terme d’une lutte acharnée contre la routine qui sclérose le couple. « Play House » âpre et jubilatoire forme courte du britannique Martin Crimp se joue actuellement au Théâtre de Belleville dans une mise en scène de Rémy Barché !

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Treize courtes scènes, treize instantanés rythmés par un tempo endiablé dépeignent le quotidien du couple dans toutes ses dérives, son délitement le plus inquiétant. Au fil de ces moments de la vie domestique qui jalonnent l’histoire des amoureux l’air se fait de plus en plus lourd à respirer pour les personnages, tandis que ça et là le vernis craquelle. Comment l’amour peut-il résister à cette routine lancinante, cette spirale qui l’entraine de plus en plus vers un absurde incontrôlé ? Rémy Braché trouve ici le parfait écrin pour  l’écriture économe et incisive de Crimp en la plaçant dans un kaléidoscope très codifié et doté de couleurs éclatantes. Chaque séquence démarre dans une maitrise absolue du geste, du verbe puis tangue dangereusement,  laissant deviner la folie sous-jacente de ces personnages aux brushing impeccables. Avec un humour corrosif les situations les plus banales de la vie à deux comme « se laver les dents », « nettoyer le réfrigérateur », ou encore « post-coïtum » prennent un tour jubilatoire tant l’on sent les personnages au bord du burn-out. Véritable sitcom au vitriol mettant en scène des ersatz de Ken et Barbie,  le tableau semblait pourtant tout droit sorti d’une publicité pour le bonheur. Mais voilà, Ken et Barbie ont visiblement un peu forcé sur les acides ou autres drogues dures, le mohair rose froufroutant et le pull bleu ciel à col V ne suffiront pas à sauver les apparences.  Les nerfs à vifs par ce petit cancer routinier qui ronge l’amour, ces deux là illustrent avec brio la décrépitude du sentiment, la névrose à venir. L’enfer domestique s’invite sur le terrain de jeu et fait littéralement exploser la belle image vernissée, pour notre plus grand plaisir. Sublimé par l’interprétation au cordeau des deux comédiens, « Play House » sous des airs de  joli bonbon coloré laisse planer derrière lui une note persistante d’acidité.

Audrey Jean

« Play House » de Martin Crimp
Mise en scène de Rémy Barché

Avec Myrtille Bordier et Tom Politano

Jusqu’au 26 Juin
Du mardi au samedi à 19H30
Dimanche à 20H30

Théâtre de Belleville
94 rue du faubourg du temple

L’Arche éditeur est agent théâtral du texte représenté

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