Il est de notre mission de mettre parfois en lumière les nouvelles équipes, en effet pour certaines d’entre elles dès les premières créations même imparfaites on peut prendre la mesure du talent à venir. C’est indéniablement le cas de la compagnie La première bande qui présentait le week-end dernier sa première création autour du texte pour le moins exigeant de Camus « Les Justes ». Une approche pertinente et moderne de la langue de Camus ainsi qu’un sens de l’incarnation remarquable chez ces jeunes interprètes. Une compagnie à suivre !

Ils sont cinq. Révoltés, assoiffés de justice, prêts à en découdre et pour eux l’utopie passe d’abord par un acte sanglant. Un attentat. C’est 1905, c’est Moscou et sa pauvreté grandissante, ses inégalités profondément injustes qui font naître chez ces jeunes exaltés le besoin organique de se battre. Mais finalement c’est autant Paris, Istanbul, ou Montreal, c’est aussi 2015 ou peut-être 2017, c’est notre monde et Camus en visionnaire le savait bien avant nous.

Marie Benati signe ici une mise en scène cohérente, elle démontre avec beaucoup de facilité que la langue de Camus est non seulement universelle mais aussi profondément contemporaine. L’équipe artistique s’interroge ici sur son rapport au monde, tandis qu’ils font partie de cette génération marquée par les récents attentats ils se questionnent sur la place à prendre dans cette société déshumanisée et inégalitaire. Comment se battre pour faire triompher ses idées ? Jusqu’ou peut-on utiliser la violence pour aboutir à ses fins ? Et surtout serions-nous ensuite plus justes ou plus heureux ? Des questions trop lourdes pour y apporter des réponses faciles ou démagogues, il n’empêche que les mots de Camus résonnent ici d’une force nouvelle tant l’intrigue est haletante presque policière. Avec relativement peu de moyens techniques Marie Benati convoque une atmosphère tendue, lourde de tous les enjeux politiques, elle dynamise le plateau par le biais d’une scénographie tri-frontale où l’espace scénique est ouvert, traversé par des diagonales comme par des courants d’idées contradictoires. Des lignes qui se confrontent, s’entrechoquent, s’unissent parfois.  La distribution bien qu’un peu inégale fait cependant émerger de remarquables prestations. Vincent Kambouchner dans le rôle radical de Stepan fait preuve d’une belle prestance de bout en bout. Louis Bussiere tire également son épingle du jeu avec un personnage plus délicat mais tout aussi bien interprété.  Enfin, apparitions bien trop courtes, Quentin Dolmaire et Rapahel Marriq dans deux petits rôles offrent une parenthèse un peu plus légère et parfaitement maîtrisée. Une proposition audacieuse et globalement fort pertinente pour une équipe aussi jeune, nous ne manquerons pas quant à nous de suivre leur parcours.

Audrey Jean

« Les Justes » de Camus
Mise en scène de Marie Benati assistée de Francois Reutin et Quentin Dolmaire

Avec :Déborah Chantob, Elie Salleron, Vincent Kambouchner, Louis Bussière, Jérémy Galvez, Quentin Dolmaire, Raphaël Marriq, Marie Benati.

Musique originale : Nicolas Laurençot et Yvan Lebosse

Maquillage : Camille Moreau

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