Stéphane Braunschweig nous offre actuellement au Théâtre de l’Odéon Une Ecole des Femmes qui tranche avec un classicisme de circonstance. Les couleurs de ce spectacle virent au noir par un savant mélange d’obscurantisme forcené et de perversité.  Une proposition théâtrale  intéressante à vivre.

Molière a bâti sa pièce sur le thème de l’arroseur arrosé. Arnophe veut une épouse fidèle. Il a adopté très jeune une enfant qu’il a élevée à l’écart du monde entier. La maintenant dans l’ignorance, il souhaite en faire un objet de soumission. Mais Agnès s’échappera au fantasme dans lequel Arnolphe veut l’enfermer.

Les pièces de Molière ont toujours résonné au son d’une tragédie annoncée tant par pessimisme de son auteur que par révolte de la société de son époque. Mais comme par miracle, la situation se renversait totalement métamorphosant cette tragédie en une comédie. L’École des Femmes ne fait pas exception à la règle. Mais Arnolphe qui désire épouser Agnès fait montre d’un aveuglement certain en voulant effacer son rôle paternel. A ce jeu de substitution, il fausse les cartes et s’enferre dans une obstination violente voire cruelle. Son entêtement est à la mesure de l’échec cuisant qu’il essuie. Le voeu de Stéphane Braunschweig était de mettre l’accent sur la peur engendrée par le désir, une peur aliénante qui suscite tous les excès. Molière démontre ainsi la peur que traduit le désir de l’autre qu’on ne peut contrôler et qui constitue la peur d’être cocu. Stéphane Braunschweig fait ici davantage ressortir la terreur qu’inspire le désir d’Agnès pour Horace que le ridicule dont il se couvre.

Agnès, loin de la naïveté perçue jusqu’alors fait preuve d’une détermination à s’émanciper des griffes d’Arnolphe. De ce point de vue, elle est le personnage le plus fort de la pièce. Stéphane Braunschweig s’est amusé à grands renforts de vidéo de nous faire voir le côté obscur d’Agnès en nous suggérant qu’elle tue son chat à coups de ciseaux par simple désÅ“uvrement. A ce titre, il rétablit l’équilibre en ne laissant pas Arnolphe accaparer seul une noirceur qui lui sied si facilement.  Les comédiens sont très justes. Saluons en particulier les prestations de Suzanne Aubert et Claude Duparfait qui jouent parfaitement l’ambiguïté de leurs personnages. Cette proposition apporte un brin d’originalité en mettant en exergue la folie totalitaire de l’homme. De ce point de vue et au regard de cette pièce, Molière est malheureusement toujours d’actualité dans certaines parties du Globe.

Laurent Schteiner
 
L’Ecole des Femmes de MOLIERE
Mise en scène de Stéphane BRAUNSCHWEIG
avec Suzanne Aubert, Laurent Caron, Claude Duparfait, Georges Favre, Glenn Marausse, Thierry Paret, Ana Rodriguez et Assane Timbo

  • scénographie Stéphane Braunschweig
  • collaboration artistique Anne-Françoise Benhamou
  • assistante à la mise en scène Clémentine Vignais
  • costumes Thibault Vancraenenbroeck
  • collaboration à la scénographie Alexandre de Dardel
  • lumière Marion Hewlett
  • son Xavier Jacquot
  • maquillages/coiffures Karine Guillem
  • vidéo Maïa Fastinger

Théâtre de l’Europe – Théâtre de L’Odéon
Place de l’Odéon
75006 Paris
du mardi au samedi à 20h, le dimanche à 15h
Jusqu’au 29 décembre 2018

Share This