Jean-Philippe Daguerre nous revient au Théâtre Rive-Gauche avec une très jolie pièce, Le petit coiffeur. Ce spectacle, qui prend racine en août 1944 à Chartres, nous rapporte les premiers moments de libération et de l’épuration qui s’en suivit. Cette pièce repose en arrière-plan sur des faits historiques réels survenus à Chartres en cette période trouble d’épuration parfois sauvage. Comme à son habitude, Jean-Philippe Daguerre a le don de nous emmener très loin aux confins de notre émotion et de notre empathie.

A Chartres en ce mois d’Août 44, Pierre Giraud est coiffeur. Il a replacé son père déporté dans un camp de travail. Aidé en cela par Jean, son frère, qui accuse un retard mental, il s’occupe du salon-hommes alors que sa mère travaille au salon-femmes. Profitant des moments de liberté, Pierre peint des femmes nues avec la particularité de ne jamais les laisser se dévêtir. Sa mère de caractère, membre des FFL (Forces Françaises Libres) est une figure de la Résistance. Utilisant son salon, Marie envoie des clientes à son fils afin de nourrir sa passion d’artiste. Puis un jour, Lise, entre dans leur vie.

Se fondant sur des faits historiques qui se sont déroulés à Chartres en 1944, Jean-Philippe Daguerre revient sur la Tondue de Chartres, Simone Touseau. Reliant cette « collabo » à la mort du père Giraud, il tisse une toile dans laquelle il enserre ses personnages dans une situation inextricable. C’est là toute la force de ce spectacle de démontrer qu’à la faveur d’un événement-tiers, les convictions de ses personnages vont vaciller et se transposer dans une réalité bien différente. Jean-Philippe Daguerre nous fait observer ce phénomène de glissement de ces femmes seules et désespérées qui tentent coûte que coûte de survivre à la guerre. Parallèlement, il dénonce la vindicte aveugle des couards et des lâches qui se sont fait justice eux-mêmes suite à des dénonciations arbitraires et calomnieuses. Les comédiens sont unanimement excellents. Ce spectacle, qui force la réflexion sur ces événements troubles, apporte émotion, rire et empathie. A travers cette pièce, Jean-Philippe Daguerre nous éclaire avec pertinence sur la problématique de situations exceptionnelles nées pendant l’occupation. Il signe ici un spectacle rare, sensible et intelligent appelant chacun d’entre nous à une réflexion davantage humaniste que partisane.

Laurent Schteiner
Le petit coiffeur de Jean-Philippe Daguerre
Mise en scène de Jean-Philippe Daguerre
avec Felix Beauperin, Aranud Dupont, Brigitte Faure, Romain Lagarde et Charlotte Matzneff

  • Costumes : Alain Blanchot
  • Décors : Juliette Azzopardi
  • Lumière : Moïse Hill
  • Chorégraphie : Florentine Houdinière
  • Musiques et assistant à la mise en scène : Hervé Haine
  • © photo Fabienne Rappeneau

Théâtre Rive-Gauche
6 rue de la Gaité
75014 Paris
Tel 01 43 35 32 31 
www.theatre-rive-gauche.com
du mardi au samedi à 21h, le dimanche à 15h
 

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