Essai de lumières. Pièce vide. Décor quasi absent. Une jeune femme s’introduit sur scène dans l’obscurité. Elle recherche son costume et semble ne pas mettre la main dessus. Soudain la lumière révèle sa nudité ! C’est le début d’une pièce qui, avec légèreté et humour, interpelle notre rapport au corps et à la chair.
La jeune femme, mal à l’aise et surprise de se retrouver dans cette situation cauchemardesque, tente de trouver multiples subterfuges pour combler le décor. A travers plusieurs situations de la vie quotidienne plutôt évocatrices, dans une atmosphère burlesque, elle se glisse dans la peau d’une nouvelle comédienne « mettant à nu » son affolement… et son talent ! Le spectateur est sans cesse balloté entre la réalité et la fiction : il n’aurait pas dû se trouver là au départ selon les dires de la comédienne.
La scénographie est rudimentaire : un drap noir suspendu dans lequel la jeune femme s’enroule pour dissimuler quelques parties de chair ou même la globalité. Et un panier avec des ustensiles de ménage qu’elle ne tarde pas à récupérer pour se parer d’un costume grotesque : une robe en sac poubelle, des masques à poussière en guise de soutien-gorge et une serpillière pour sa chevelure pharaonique. Avec ces objets détournés de l’univers domestique, venant s’approprier celui de la beauté et de la sensualité, la jeune femme se libère des codes étiquetés par la société.
Un message d’une grande sensibilité sur un plateau presque vide, c’est aussi la force de cette pièce qui dévoile les « dessous » du théâtre. Le théâtre se joue. Mais le théâtre ne ment pas, c’est la vie avant tout.
« Ceci n’est pas une femme. Ceci est une représentation, une image d’une femme ». Comme une accusation moralisatrice en fin de spectacle, ce message brusque nos repères et stéréotypes. Dans un élan de jeu, elle s’adresse au public, daigne reconnaître quelqu’un et lui demande son avis sur la pièce qu’elle vient d’engager. En tant que spectateur, on est d’autant plus mêlé à ce bouleversement qu’elle est en train de vivre. Au fur et à mesure, notre regard, au départ canalisé par notre rigide perception des sexes, change et vient neutraliser des idées reçues sur la représentation d’une femme dans notre société. Les attributs féminins souvent retenus, concernant la beauté et le ménage, la pièce condamne la publicité des médias qui véhicule des images en ce sens.
Avec justesse et drôlerie, la comédienne Aline Stinus, également auteure de la pièce, provoque un retournement de situation auquel personne ne s’attendait. Mais dans quelle mesure le théâtre s’empare de nos vies ?
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Coline Rouge
Décorum ou l’art de sauver la mise de Karelle Prugnaud
Avec Aline Stinus
Les mardi 19 et mercredi 20 novembre à 20h30
Compagnie Mi-fugue Mi-raison
Théâtre Confluences
190 bd de Charonne
75011 Paris
www.confluences.net