Né en 1906 en Irlande, Samuel Beckett tient une place particulière dans le théâtre contemporain. Sa dimension personnelle lui confère un statut à part car son théâtre transmet un ensemble de valeurs qui assigne l’homme à s’interroger sur lui-même : « qui suis-je si l’autre existe ? Que puis-je espérer ? ». Serpilekin Adeline Terlemez a publié chez L’Harmattan un ouvrage érudit sur l’auteur disséquant et le déclinant son théâtre sous forme thématique.

 

 

S’appuyant sur le tragique et le grotesque, l’auteur positionne le langage comme un élément déterminant de la dramaturgie de Beckett. Un langage, une écriture qui s’efface au moment même où elle émerge, clamant de façon atroce son désir de vivre.

 

 

 

« Estragon : où irons-nous ?

Vladimir : pas loin

Estragon : Si, allons-nous-en loin d’ici !

Estragon : Pourquoi ?

Vladimir : Il faut revenir demain.

Estragon : Pour quoi faire ?

Vladimir : attendre Godot.

Estragon : C’est vrai. (Un temps). Il n’est pas venu ?

Vladimir : Non. »

 

Dans cette étude sur l’auteur, une caractéristique évidente s’invite en permanence : le rire et son écho.

« Vladimir. Je suis content

Estragon. Je suis content.

Vladimir. Moi aussi.

Estragon. Moi aussi. »

 

Les personnages mêlent entre eux affection et cruauté dans un monde « imaginairement réel ». La composition théâtrale de Beckett pourrait se réduire à l’absence d‘éléments superflus (mots, images, gestes…) n’hésitant pas à remettre en cause le drame moderne. Son réalisme dépeint la vie humaine telle qu’elle est. La fin est dans le commencement et le désespoir est toujours habité par l’espoir. L’homme est dépendant de son milieu social et naturel. Le conflit entre l’homme et le monde induit une lutte pour le « devenir de l’homme ». L’homme dans ses pièces devient un outil de communication, un pantin parfait utile à sa rhétorique.

 

Décrire ou nommer le théâtre s’avère être une lourde tache. Pour Beckett lui-même, son théâtre est innommable car on ne peut le qualifier en tant que tel, ni le nommer. Nommable, il meurt. L’innommable commence par des questions. Des questions qui n’arrêtent pas de harceler le spectateur. Pour Evelyne Grossman « : le théâtre de Beckett serait situé à l’intérieur d’un théâtre de la cruauté,  c’est-à-dire l’expression des correspondances secrètes du subconscient. En attendant Godot souligne la dichotomie entre les temps qui gênent les actes et les mouvements dans une série d’attitudes fonctionnelles et le temps intérieur au-delà et en-deçà de toute considération économique, sociale ou autre.

 

Cet ouvrage dense, intéressant et extrêmement bien documenté est un régal pour les fans de Beckett. Un très bel ouvrage d’étude à découvrir.

 

Laurent Schteiner

 

Le théâtre innommable de Samuel Beckett de Serpilekin Adeline Terlemez

Prix conseillé  28 €

ISBN : 978-2-296-96216-3

 

L’Harmattan

5-7 rue de l’Ecole polytechnique

75005 Paris

http://www.harmattan.fr/groupeharmattan

 

 

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