Motti Lerner, auteur israélien de pièces de théâtre et de scénarios pour le cinéma et la télévision, a publié récemment aux éditions Théâtrales, un ouvrage remarquable. Une mise en abyme caractérise cette œuvre peuplée par des patients atteints d’un syndrome de stress post-traumatique. Ces résidents hospitalisés vont réaliser sous nos yeux une pièce retraçant une photographie de la société israélienne jusqu’à l’assassinat d’Isaac Rabin. Cette découpe leur permet, à travers ce projet thérapeutique, de se libérer des séquelles psychiques provoquées par les attentats et les guerres. Amputés, brûlés et pour certains aveugles, ils vont faire revivre une page de l’histoire d’Israël avec toutes les contradictions et les pathologies qui entourent cette société. Un livre coup de poing à lire d’urgence !

 

Chaque participant hospitalisé va incarner différents rôles, du Premier Ministre au chef de l’opposition en passant par les colons, les factions ultrareligieuses, les militants nationalistes aux étudiants talmudiques. Interprétant ces personnages avec force authenticité et n’hésitant pas à modifier la mise en scène de la pièce lorsqu’ils l’estiment nécessaire, ces comédiens amateurs vont revivre les faits majeurs qui secouent l’Etat d’Israël. Mettant en exergue les problématiques dans lesquelles se débat le pays, ils vont nous faire saisir, à la faveur de ce travail analytique réussi, toute la complexité de cette société. Cet éclairage micro est saisissant et passionnant.

 

Animés de leurs propres pathologies, ils nous présentent la question épineuse des colonies à travers le plan de paix proposé par Rabin. Un plan de paix impensable pour certains nationalistes. L’accepter reviendrait à admettre que les sacrifices des soldats n’auraient servis à rien. Laisser pour compte ces morts inutiles. Mais  Rabin, sachant les risques qu’il encourt,  s’attache à briser ce cercle infernal de la violence, en proposant une paix durable. Aucune compromission n’est possible avec la violence. « La vérité est toujours plus forte que la démagogie ! » (Rabin alias Binder, 67 ans et amputé d’une jambe).Poursuivre la guerre n’a pas de sens. « Que le malheur frappe d’un grand coup ! Qu’il frappe chaque famille, chaque foyer, sans exception. Alors les gens ouvriront les yeux. Les miens ne se sont ouverts qu’au moment ou j’ai dû prendre le deuil de mes deux fils. » (Lola, l’épouse de Rabin, 67 ans, veuve et bénévole au centre).

 

Mais la question mystique est également présente lors de funérailles de jeunes soldats et revisitée par cette troupe de comédiens amateurs. On découvre alors une forme d’instrumentalisation de la religion exercée par certains nationalistes afin de perpétrer le cycle de la violence.

 

Cette pièce, par son intelligence, interpelle le lecteur par la richesse des problématiques évoquées à travers une mise en abyme réussie. Cet ouvrage brillant est à se procurer à tout prix !

 

Laurent Schteiner

 

Isaac assassiné de Motti Lerner

Traduction de l’hébreu par Jacqueline Carnaud

Prix conseillé : 16 €

ISBN : 978-2-84260-603-9

 

éditions Théâtrales

20 rue voltaire

93100 Montreuil

www.editionstheatrales.com

 
 
 
 

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