Ils étaient présents au festival l’année dernière avec « Affreux, bêtes et pédants », cette saison Jérémie Le Louët et les Dramaticules poursuivent l’exploration de la théâtralité et s’attaquent au mythique « Ubu Roi ». Une création dense et multiple à l’image de ce texte inclassable présenté au GiraSole !

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La compagnie des Dramaticules pousse ici le curseur un peu plus loin dans le questionnement sur le théâtre et se met encore une fois en danger. Utilisant comme matériau de base le célèbre « Ubu Roi » Jérémie Le Louët va brutaliser la pièce à de nombreuses reprises pour mieux en faire exploser l’outrance, brouillant les limites entre personnages et acteurs. En effet il met en scène une troupe jouant à jouer cette pseudo farce décadente sur le pouvoir. Comme dans leur précédente création les acteurs sortent ainsi régulièrement de leurs rôles et révèlent non sans une forme de violence jubilatoire le quotidien de la troupe entre petites aigreurs et guerres d’égo démesurées.
Pourtant « Ubu Roi » est finalement plutôt pauvre du point de vue dramatique, son intérêt étant surtout lié à l’histoire de sa création et son statut d’anti-théâtre lors de sa première représentation. Jarry, en s’appropriant ce texte au Théâtre de l’Œuvre, brisait à l’époque tous les codes et tentait d’établir une nouvelle vision de la scène, un théâtre d’avant-garde, sorte de prise de pouvoir absolue de la jeunesse face à une scène sclérosée par l’académisme ambiant. Associée à la créativité des Dramaticules la pièce devient un manifeste brûlant de la contestation, une invitation jouissive à dynamiter les vieilles conventions. L’écho est parfaitement trouvé avec la réflexion sur le statut de l’artiste entamée sur « Affreux, bêtes et pédants » mais aussi avec la figure du monstre chère au travail de Jérémie Le Louët. Ils sont ici pathétiques ces monstres, vils et peu glorieux mais q’ils sont drôles aussi ! La compagnie s’en donne évidemment à cœur joie pour s’approprier ces personnages minables, à l’image de Julien Buchy acteur irrésistible dans chacune de ses prestations.
C’est donc un mariage heureux avec le théâtre de l’absurde et le surréalisme de Jarry, un mariage qui fait naître sous nos yeux une destruction fantastique de la scène, un déluge de pulsions libératrices. On ressent d’ailleurs une forme de radicalisation dans le travail de Jérémie Le Louët. S’il exploite à bon escient les matériaux scéniques contemporains tels que la vidéo-projection, saluons par ailleurs la géniale trouvaille de la scène du cheval, il tend également de plus en plus à pousser le spectateur dans ses retranchements. Dans un sublime chaos la pièce de Jarry constitue ici un appel à l’affranchissement des codes, une apologie de l’absurde et surtout un terrain de jeu infini pour les propositions déjantées de la Compagnie des Dramaticules.

Audrey Jean

« Ubu Roi » d’après Alfred Jarry
Adapatation et mise en scène de Jérémie Le Louët
assisté de Noémie Guedj
Avec Julien Buchy, Anthony Courret, Jonathan Frajenberg, Jérémie Le Louët, David Maison, et Dominique Massat

Théâtre GiraSole à 22H40 

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